De Milgram à la bulle informationnelle
Problématique :
En utilisant chacun de ces documents, expliquer comment il est possible à l’aide d‘un réseau social de limiter la liberté de pensée de ses utilisateurs.
Document 1 : L’expérience de Milgram et « petit monde »
https://www.youtube.com/watch?v=P7xItpdmXoc
L’expérience du « petit monde » a été réalisée en 1967 par le psychosociologue Stanley MILGRAM, bien avant l’invention du Web. 
Sur un échantillon de 300 individus, et dans les limites du territoire des États-Unis, il s’agissait de faire parvenir une lettre à un destinataire final, identifié mais inconnu des cobayes avec le moins d'intermédiaires possibles.
La contrainte imposée était que chaque individu ne pouvait remettre une lettre qu'à une personne de sa connaissance. Pour arriver à destination, les courriers sont passés en moyenne entre 5 et 6 intermédiaires (la valeur exacte était de 5,2).
C’est cette théorie des six relations qui a été appliquée aux réseaux sociaux.
Les limites du petit monde
Dans l’expérience de Milgram, la plupart des lettres n’atteignirent jamais leur but. Seul un quart d’entre elles arrivèrent dans les mains du destinataire. Cette expérience est donc fausse : nous ne sommes pas tous connectés aux autres par un maximum de 6 degrés de séparation.
Certaines personnes sont bien mieux connectées que d’autres. Ce qui veut dire que le « networking » est un savoir-faire qui peut se développer. En lisant, en se formant, en étant « coaché », le tissu de contacts peut être amélioré. C’est ainsi que nous pouvons progressivement faire partie des 29 % de personnes les mieux reliées et nous serons effectivement, dans ce cas, connectés au reste du monde par seulement 6 degrés.
Avec l’avènement du réseau social Facebook, le nombre de "degrés de séparation" maximum entre deux individus sur la planète serait maintenant de 4,74.
Attention : les liens entre de tels « amis » virtuels sont souvent qualifiés de « faibles » car superficiels. Des relations lointaines d'autant plus mises en valeur sur Internet qu'elles sont inexistantes dans la vie réelle. N'est pas « ami-ami » avec Barack OBAMA qui veut...
Document 2 : La bulle informationnelle

Facebook paramètre notre fil d’actualité pour nous maintenir sur le support. L’algorithme sélectionne des contenus et hiérarchise des informations que nous serions susceptibles d’aimer, en fonction de ce que nous avons déjà aimé, en fonction de ce que nos contacts ont aimé, en fonction de notre emplacement…
Le fonctionnement des réseaux sociaux renforce la bulle. Voyons trois éléments avec les yeux des sociologues :
-
On se créé un réseau de relations virtuelles qui correspond à ce que nous voulons entendre. Dans la vraie vie, même si un ami a un avis différent, on ne le chasse pas pour autant. Sur les médias sociaux, on se désabonne très facilement ;
-
En plus, il y a un phénomène de polarisation et de « chambre d’échos. » Lorsqu’un groupe de personnes partagent des opinions similaires, chacun ressort avec des positions plus tranchées après avoir été conforté par les autres ;
-
Pour finir, le survol d’une problématique nous donne le sentiment de la maîtriser et renforce nos convictions. Le sociologue Gérald BRONNER détaille bien ceci dans son ouvrage « La démocratie des crédules » (Puf, 2013). Tout cela explique les phénomènes de radicalisation.
Source : Archimag
Document 3 : Démocratie smartphone
Le numérique sépare autant qu’il réunit. Il rassemble des semblables pour mieux les séparer des autres. C’est la structure du monde selon Facebook, dessinée par son moteur de recherche.
Le mécanisme en est simple: il sélectionne, dans la masse infinie des contenus disponibles, ceux qui vous correspondent le mieux. Et le moteur sait exactement ce qui vous convient grâce aux milliers d’informations que vous avez semées en naviguant sur le site. Chaque nouveau clic a ainsi dévoilé une parcelle supplémentaire de votre personnalité.
Nous ne réalisons pas ce que nous disons de nous-même quand nous surfons en toute innocence sur le web. Michal Kosinski, de l’université américaine de Cambridge, l’a précisément établi : sur la base moyenne de 68 «likes» (clic signifiant «j’aime») d’un internaute sur Facebook, il est possible de déduire la couleur de sa peau (95% de pertinence), son orientation sexuelle (88%), son appartenance aux partis démocrate ou républicain (85%), et mille autres caractéristiques comme son niveau intellectuel, sa religion, ou sa consommation d’alcool.
Il démontre encore qu’à partir de 150 «likes», il connaît mieux l’internaute que ses parents, et avec 300, mieux que son conjoint.
«Notre smartphone, constate Michal Kosinski, est un immense questionnaire psychologique que nous remplissons en permanence, à la fois consciemment et inconsciemment.» Ces travaux à peine publiés, il a reçu une offre d’emploi —de Facebook.
Internet sait tout ou presque de nous, et nous présente ce que nous sommes supposés attendre. Des publicités, des jeux, de l’information, sélectionnés en fonction de notre personnalité. Ce phénomène a pris le nom de «bulle de filtrage» (filter bubble), qui décrit bien le processus d’enfermement des internautes dans une bulle ne laissant filtrer qu’une partie des informations du monde extérieur. Le patron de Facebook, Mark Zuckerberg, en reconnaît sans difficulté l’existence. Et il en décrit les effets à sa manière, décomplexée : l’algorithme, se fondant sur vos propres consultations, pourra conclure qu’un «écureuil en train de mourir devant chez vous correspond plus à vos intérêts du moment que des gens en train de mourir en Afrique». Facebook ne vous dira donc rien de la famine en Afrique, et tout de l’agonie de l’écureuil. Quitte à informer votre voisin de palier de la famine africaine, mais pas de l’écureuil.
Démocratie Smartphone, Francis Brochet, Éditions François Bourin, 2017.